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Chapitre II

Le phonème dans la chaine parlée

§1.

Nécessité d’étudier les sons dans la chaîne parlée.

On peut trouver dans les traités spéciaux et surtout dans les ouvrages des phonéticiens anglais de minutieuses analyses des sons du langage.

Suffisent-elles pour que la phonologie réponde à sa destination de science auxiliaire de la linguistique ? Tant de détails accumulés n’ont pas de valeur en eux-mêmes ; la synthèse importe seule. Le linguiste n’a nul besoin d’être un phonologiste consommé ; il demande simplement qu’on lui fournisse un certain nombre de données nécessaires pour l’étude de la langue.

Sur un point la méthode de cette phonologie est particulièrement en défaut ; elle oublie trop qu’il y a dans la langue non seulement des sons, mais des étendues de sons parlés ; elle n’accorde pas encore assez d’attention à leurs rapports réciproques. Or ce n’est pas cela qui nous est donné d’abord ; la syllabe s’offre plus directement que les sons qui la composent. On a vu que certaines écritures primitives ont marqué les unités syllabiques : ce n’est que plus tard qu’on est arrivé au système alphabétique.

En outre, ce n’est jamais une unité simple qui embarrasse en linguistique : si, par exemple, à un moment donné, dans une langue donnée, tout a devient o, il n’en résulte rien ; on peut se borner à constater le phénomène, sans cher-