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en dehors du temps qu’ils occupent. Ainsi un ensemble comme ta sera toujours un moment plus un moment, un fragment d’une certaine étendue plus un autre fragment. En revanche le fragment irréductible t, pris à part, peut être considéré in abstracto, en dehors du temps. On peut parler de t en général, comme de l’espèce T (nous désignerons les espèces par des majuscules), de i comme de l’espèce I, en ne s’attachant qu’au caractère distinctif, sans se préoccuper de tout ce qui dépend de la succession dans le temps. De la même façon un ensemble musical, do, , mi ne peut être traité que comme une série concrète dans le temps ; mais si je prends un de ses éléments irréductibles, je puis le considérer in abstracto.

Après avoir analysé un nombre suffisant de chaînes parlées appartenant à diverses langues, on arrive à connaître et à classer les éléments avec lesquels elles opèrent ; on constate alors que, si l’on néglige des nuances acoustiquement indifférentes, le nombre des espèces données n’est pas indéfini. On en trouvera la liste et la description détaillée dans les ouvrages spéciaux[1] ; ici nous voudrions montrer sur quels principes constants et très simples toute classification de ce genre est fondée.

Mais disons tout d’abord quelques mots de l’appareil vocal, du jeu possible des organes et du rôle de ces mêmes organes comme producteurs du son.

§ 2.

L’appareil vocal et son fonctionnement[2].

1. Pour la description de l’appareil, nous nous bornons à une figure schématique, où A désigne la cavité nasale, B la

  1. Cf. Sievers, Grundzüge der Phonetik, 5e éd. 1902 ; Jespersen, Lehrbuch der Phonetik, 2e éd. 1913 : Roudet, Éléments de phonétique générale, 1910
  2. La description un peu sommaire de F. de Saussure a été complétée d’après le Lehrbuch der Phonetik de M. Jespersen, auquel nous avons aussi emprunté le principe d’après lequel les formules des phonèmes seront