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mières. L’image graphique finit par s’imposer aux dépens du son.

3o La langue littéraire accroît encore l’importance imméritée de l’écriture. Elle a ses dictionnaires, ses grammaires ; c’est d’après le livre et par le livre qu’on enseigne à l’école ; la langue apparaît réglée par un code ; or ce code est lui-même une règle écrite, soumise à un usage rigoureux : l’orthographe, et voilà ce qui confère à l’écriture une importance primordiale. On finit par oublier qu’on apprend à parler avant d’apprendre à écrire, et le rapport naturel est renversé.

4o Enfin, quand il y a désaccord entre la langue et l’orthographe, le débat est toujours difficile à trancher pour tout autre que le linguiste ; mais comme celui-ci n’a pas voix au chapitre, la forme écrite a presque fatalement le dessus, parce que toute solution qui se réclame d’elle est plus aisée ; l’écriture s’arroge de ce chef une importance à laquelle elle n’a pas droit.

§ 3.

Les systèmes d’écriture

Il n’y a que deux systèmes d’écriture :

1o Le système idéographique, dans lequel le mot est représenté par un signe unique et étranger aux sons dont il se compose. Ce signe se rapporte à l’ensemble du mot, et par là, indirectement, à l’idée qu’il exprime. L’exemple classique de ce système est l’écriture chinoise.

2o Le système dit communément « phonétique », qui vise à reproduire la suite des sons se succédant dans le mot. Les écritures phonétiques sont tantôt syllabiques, tantôt alphabétiques, c’est-à-dire basées sur les éléments irréductibles de la parole.

D’ailleurs les écritures idéographiques deviennent volontiers mixtes : certains idéogrammes, détournés de leur valeur première, finissent par représenter des sons isolés.