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nances extrêmement régulières et profondément grammaticales (voir pp. 216, 302) ; un accent de hauteur, qui peut se placer, en principe, sur n’importe quelle syllabe du mot et contribue par conséquent au jeu des oppositions grammaticales ; un rythme quantitatif, reposant uniquement sur l’opposition des syllabes longues et brèves ; une grande facilité pour former des composés et des dérivés ; la flexion nominale et verbale est très riche ; le mot fléchi, portant en lui-même ses déterminations, est autonome dans la phrase, d’où grande liberté de construction et rareté des mots grammaticaux à valeur déterminative ou relationnelle (préverbes, prépositions, etc.).

Or on voit aisément qu’aucun de ces caractères ne s’est maintenu intégralement dans les diverses langues indo-européennes, que plusieurs (par exemple le rôle du rythme quantitatif et de l’accent de hauteur) ne se retrouvent dans aucune ; certaines d’entre elles ont même altéré l’aspect primitif de l’indo-européen au point de faire penser à un type linguistique entièrement différent, par exemple l’anglais, l’arménien, l’irlandais, etc.

Il serait plus légitime de parler de certaines transformations plus ou moins communes aux diverses langues d’une famille. Ainsi l’affaiblissement progressif du mécanisme flexionnel, signalé plus haut, est général dans les langues indo-européennes, bien qu’elles présentent sous ce rapport même des différences notables : c’est le slave qui a le mieux résisté, tandis que l’anglais a réduit la flexion à presque rien. Par contre-coup on a vu s’établir, assez généralement aussi, un ordre plus ou moins fixe pour la construction des phrases, et les procédés analytiques d’expression ont tendu à remplacer les procédés synthétiques valeurs casuelles rendues par des prépositions (voir p. 247), formes verbales composées au moyen d’auxiliaires, etc.).

On a vu qu’un trait du prototype peut ne pas se