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Chapitre II

La langue la plus ancienne et le prototype

À ses premiers débuts, la linguistique indo-européenne n’a pas compris le vrai but de la comparaison, ni l’importance de la méthode reconstitutive (voir p. 16). C’est ce qui explique une de ses erreurs les plus frappantes : le rôle exagéré et presque exclusif qu’elle accorde au sanscrit dans la comparaison ; comme c’est le plus ancien document de l’indo-européen, ce document a été promu à la dignité de prototype. Autre chose est de supposer l’indo-européen engendrant le sanscrit, le grec, le slave, le celtique, l’italique, autre chose est de mettre l’une de ces langues à la place de l’indo-européen. Cette confusion grossière a eu des conséquences aussi diverses que profondes. Sans doute cette hypothèse n’a jamais été formulée aussi catégoriquement que nous venons de le faire, mais en pratique on l’admettait tacitement. Bopp écrivait qu’ « il ne croyait pas que le sanscrit pût être la source commune », comme s’il était possible de formuler, même dubitativement, une semblable supposition.

Ceci amène à se demander ce qu’on veut dire quand on parle d’une langue qui serait plus ancienne ou plus vieille qu’une autre. Trois interprétations sont possibles, en théorie :

1o On peut d’abord penser à l’origine première, au point de départ d’une langue ; mais le plus simple raisonnement