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Mais les transformations dialectales naturelles aboutissent à un résultat tout différent. Dès qu’on s’est mis à étudier chaque phénomène en lui-même et à déterminer son aire d’extension, il a bien fallu substituer à l’ancienne notion une autre, qu’on peut définir comme suit : il n’y a que des caractères dialectaux naturels, il n’y a pas de dialectes naturels ; ou, ce qui revient au même : il y a autant de dialectes que de lieux.

Ainsi la notion de dialecte naturel est en principe incompatible avec celle de région plus ou moins étendue. De deux choses l’une : ou bien l’on définit un dialecte par la totalité de ses caractères, et alors il faut se fixer sur un point de la carte et s’en tenir au parler d’une seule localité ; dès qu’on s’en éloignera, on ne trouvera plus exactement les mêmes particularités. Ou bien l’on définit le dialecte par un seul de ses caractères ; alors, sans doute, on obtient une surface, celle que recouvre l’aire de propagation du fait en question, mais il est à peine besoin de remarquer que c’est là un procédé artificiel, et que les limites ainsi tracées ne correspondent à aucune réalité dialectale.

La recherche des caractères dialectaux a été le point de départ des travaux de cartographie linguistique, dont le modèle est l’Atlas linguistique de la France, par Gilliéron ; il faut citer aussi celui de l’Allemagne par Wenker[1]. La forme de l’atlas est tout indiquée, car on est obligé d’étu-

  1. Cf. encore Weigand ; Linguistischer Atlas des dakorumänischen Gebiets (1909) et Millardet : Petit atlas linguistique d’une région des Landes (1910).