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Mais il n’y a pas que le fait phonétique. Il y a aussi l’agglutination, dont il sera question plus tard, et qui a pour effet de réduire à l’unité une combinaison d’éléments ; ensuite toutes sortes de circonstances extérieures au mot, mais susceptibles d’en modifier l’analyse. En effet puisque celle-ci résulte d’un ensemble de comparaisons, il est évident qu’elle dépend à chaque instant de l’entourage associatif du terme. Ainsi le superlatif indo-européen *swād-is-to-s contenait deux suffixes indépendants : -is-, marquant l’idée de comparatif (exemple lat. mag-is), et -to-, qui désignait la place déterminée d’un objet dans une série (cf. grec trí-to-s « troisième »). Ces deux suffixes se sont agglutinés (cf. grec hḗd-isto-s, ou plutôt hḗd-ist-os). Mais à son tour cette agglutination a été grandement favorisée par un fait étranger au superlatif : les comparatifs en is- sont sortis de l’usage, supplantés par les formations en -jōs ; -is- n’étant plus reconnu comme élément autonome, on ne l’a plus distingué dans -isto-.

Remarquons en passant qu’il y a une tendance générale à diminuer l’élément radical au profit de l’élément formatif, surtout lorsque le premier se termine par une voyelle. C’est ainsi qu’en latin le suffixe -tāt- (vēri-tāt-em, pour *vēro-tāt-em, cf. grec deinó-tēt-a) s’est emparé de l’i du thème, d’où l’analyse vēr-itāt-em ; de même Rōmā-nus, Albā-nus (cf. aēnus pour *aes-no-s) deviennent Rōm-ānus, etc.

Or, quelle que soit l’origine de ces changements d’interprétation, ils se révèlent toujours par l’apparition de formes analogiques. En effet, si les unités vivantes, ressenties par les sujets parlants à un moment donné, peuvent seuls donner naissance à des formations analogiques, réciproquement toute répartition déterminée d’unités suppose la possibilité d’en étendre l’usage. L’analogie est donc la preuve péremptoire qu’un élément formatif existe à un moment donné comme unité significative. Merīdiōnālis (Lactance) pour merīdiālis, montre qu’on divisait septentri-ōnālis,