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able) ; il suffit de prendre l’ensemble et de le placer dans l’équation :

pardonner; impardonnable, etc., = décorer: x.
x= indécorable.

De la sorte on ne suppose pas chez le sujet une opération compliquée, trop semblable à l’analyse consciente du grammairien. Dans un cas comme Krantz : Kränze fait sur Gast : Gäste, la décomposition semble moins probable que la quatrième proportionnelle, puisque le radical du modèle est tantôt Gast-, tantôt Gäst- ; on a dû simplement reporter un caractère phonique de Gäste sur Kränze.

Laquelle de ces théories correspond à la réalité ? Remarquons d’abord que le cas de Kranz n’exclut pas nécessairement l’analyse. Nous avons constaté des alternances dans des racines et des préfixes (voir p. 216), et le sentiment d’une alternance peut bien exister à côté d’une analyse positive.

Ces deux conceptions opposées se reflètent dans deux doctrines grammaticales différentes. Nos grammaires européennes opèrent avec la quatrième proportionnelle ; elles expliquent par exemple la formation d’un prétérit allemand en partant de mots complets ; on a dit à l’élève : sur le modèle de setzen : setzte, formez le prétérit de lachen, etc. Au contraire la grammaire hindoue étudierait dans un chapitre déterminé les racines (setz-, lach-, etc.), dans un autre les terminaisons du prétérit (-te, etc.) ; elle donnerait les éléments résultant de l’analyse, et on aurait à recomposer les mots complets. Dans tout dictionnaire sanscrit les verbes sont rangés dans l’ordre que leur assigne leur racine.

Selon la tendance dominante de chaque groupe linguistique, les théoriciens de la grammaire inclineront vers l’une ou l’autre des ces méthodes.

L’ancien latin semble favoriser le procédé analytique, En voici une preuve manifeste. La quantité n’est pas la