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maintenant au calcul de la quatrième proportionnelle :

ōrātōrem : ōrātor = honōrem : x.
x = honor.

On voit donc que, pour contrebalancer l’action diversifiante du changement phonétique (honōs : honōrem), l’analogie a de nouveau unifié les formes et rétabli la régularité (honor : honōrem).

En français on a dit longtemps : il preuve, nous prouvons, ils preuvent. Aujourd’hui on dit il prouve, ils prouvent, formes qui ne peuvent s’expliquer phonétiquement ; il aime remonte au latin amat, tandis que nous aimons est analogique pour amons ; on devrait dire aussi amable au lieu de aimable. En grec, s a disparu entre deux voyelles : -eso- aboutit à -eo- (cf. géneos pour *genesos). Cependant on trouve cet s intervocalique au futur et à l’aoriste de tous les verbes à voyelles : lū́sō, élūsa, etc. C’est que l’analogie des formes du type túpsō, étupsa,s ne tombait pas, a conservé le souvenir du futur et de l’aoriste en s. En allemand, tandis que Gast : Gäste, Balg ; Bälge, etc., sont phonétiques, Kranz : Kränze (plus anciennement kranz : kranza), Hais : Hälse (plus anc. halsa), etc., sont dus à l’imitation.

L’analogie s’exerce en faveur de la régularité et tend à unifier les procédés de formation et de flexion. Mais elle a ses caprices : à côté de Kranz : Kränze, etc., on a Tag : Tage, Salz : Salze, etc., qui ont résisté, pour une raison ou une autre, à l’analogie. Ainsi on ne peut pas dire d’avance jusqu’où s’étendra l’imitation d’un modèle, ni quels sont les types destinés à la provoquer. Ainsi ce ne sont pas toujours les formes les plus nombreuses qui déclenchent l’analogie. Dans le parfait grec, à côté de l’actif pépheuga, pépheugas, pephéugamen, etc., tout le moyen se fléchit sans a : péphugmai, pephugmetha, etc., et la langue d’Homère nous montre que cet a manquait anciennement au pluriel et au duel de l’actif (cf. hom. idmen, éīkton, etc.). L’analogie