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même avec i au lieu de e, tandis qu’il présentait e dans tous les autres cas. L’alternance de lat. faciō : conficiō, amīcus : inimīcus, facilis : difficilis, etc., est également liée à une condition phonique que les sujets partants auraient exprimée ainsi : l’a d’un mot du type faciō, amīcus, etc., alterne avec i dans les mots de même famille où cet a se trouve en syllabe intérieure.

Mais ces oppositions phoniques suggèrent exactement les mêmes observations que toutes les lois grammaticales : elles sont synchroniques ; dès qu’on l’oublie, on risque de commettre l’erreur d’interprétation déjà signalée p. 136. En face d’un couple comme faciō : conficiō, il faut bien se garder de confondre le rapport entre ces termes coexistants avec celui qui relie les termes successifs du fait diachronique (confaciōconficiō). Si on est tenté de le faire, c’est que la cause de la différenciation phonétique est encore visible dans ce couple ; mais son action appartient au passé, et pour les sujets, il n’y a là qu’une simple opposition synchronique.

Tout ceci confirme ce qui a été dit du caractère strictement grammatical de l’alternance. On s’est servi, pour la désigner, du terme, d’ailleurs très correct, de permutation ; mais il vaut mieux l’éviter, précisément parce qu’on l’a souvent appliqué au changement phonétique et qu’il éveille une fausse idée de mouvement là où il n’y a qu’un état.

§ 6.

Alternance et lien grammatical.

Nous avons vu comment l’évolution phonétique, en changeant la forme des mots, a pour effet de rompre les liens grammaticaux qui peuvent les unir. Mais cela n’est vrai que pour les couples isolés tels que maison : ménage, Teil : Drittel, etc. Dès qu’il s’agit d’alternance, il n’en est plus de même.

Il est évident d’abord que toute opposition phonique un