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Tout ce qui compose un état de langue doit pouvoir être ramené à une théorie des syntagmes et à une théorie des associations. Dès maintenant certaines parties de la grammaire traditionnelle semblent se grouper sans effort dans l’un ou l’autre de ces ordres : la flexion est évidemment une forme typique de l’association des formes dans l’esprit des sujets parlants ; d’autre part la syntaxe, c’est-à-dire, selon la définition la plus courante, la théorie des groupements de mots, rentre dans la syntagmatique, puisque ces groupements supposent toujours au moins deux unités distribuées dans l’espace. Tous les faits de syntagmatique ne se classent pas dans la syntaxe, mais tous les faits de syntaxe appartiennent à la syntagmatique.

N’importe quel point de grammaire montrerait l’importance qu’il y a à étudier chaque question à ce double point de vue. Ainsi la notion de mot pose deux problèmes distincts, selon qu’on la considère associativement ou syntagmatiquement ; l’adjectif grand offre dans le syntagme une dualité de forme (grã garsō « grand garçon » et grãt ãfã « grand enfant »), et associativement une autre dualité (masc. grã « grand », fém. grãd « grande »).

Il faudrait pouvoir ramener ainsi chaque fait à son ordre, syntagmatique ou associatif, et coordonner toute la matière de la grammaire sur ses deux axes naturels ; seule cette répartition montrerait ce qu’il faut changer aux cadres usuels de la linguistique synchronique. Cette tâche ne peut naturellement pas être entreprise ici, où l’on se borne à poser les principes les plus généraux.