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etc., et c’est par là que notre choix se fixe sur le pronom vous. Ainsi dans cette opération, qui consiste à éliminer mentalement tout ce qui n’amène pas la différenciation voulue sur le point voulu, les groupements associatifs et les types syntagmatiques sont tous deux en jeu.

Inversement ce procédé de fixation et de choix régit les unités les plus minimes et jusqu’aux éléments phonologiques, quand ils sont revêtus d’une valeur. Nous ne pensons pas seulement à des cas comme pətit (écrit « petite ») vis-à-vis de pəti (écrit « petit »), ou lat. dominī vis-à-vis de dominō, etc., où la différence repose par hasard sur un simple phonème, mais au fait plus caractéristique et plus délicat, qu’un phonème joue par lui-même un rôle dans le système d’un état de langue. Si par exemple en grec m, p, t, etc., ne peuvent jamais figurer à la fin d’un mot, cela revient à dire que leur présence ou leur absence à telle place compte dans la structure du mot et dans celle de la phrase. Or dans tous les cas de ce genre, le son isolé, comme toutes les autres unités, sera choisi à la suite d’une opposition mentale double : ainsi dans le groupe imaginaire anma, le son m est en opposition syntagmatique avec ceux qui l’entourent et en opposition associative avec tous ceux que l’esprit peut suggérer, soit :

a n m a
v
d

§ 3.

L’arbitraire absolu et l’arbitraire relatif.

Le mécanisme de la langue peut être présenté sous un autre angle particulièrement important.

Le principe fondamental de l’arbitraire du signe n’empêche pas de distinguer dans chaque langue ce qui est radicalement arbitraire, c’est-à-dire immotivé, de ce qui ne l’est que relativement. Une partie seulement des signes