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entre l’image auditive et le concept, dans les limites du mot considéré comme un domaine fermé, existant pour lui-même.

Mais voici l’aspect paradoxal de la question : d’un côté, le concept nous apparaît comme la contre-partie de l’image auditive dans l’intérieur du signe, et, de l’autre, ce signe lui-même, c’est-à-dire le rapport qui relie ses deux éléments, est aussi, et tout autant la contre-partie des autres signes de la langue.

Puisque la langue est un système dont tous les termes sont solidaires et où la valeur de l’un ne résulte que de la présence simultanée des autres, selon le schéma :


comment se fait-il que la valeur, ainsi définie, se confonde avec la signification, c’est-à-dire avec la contre-partie de l’image auditive ? Il semble impossible d’assimiler les rapports figurés ici par des flèches horizontales à ceux qui sont représentés plus haut par des flèches verticales. Autrement dit — pour reprendre la comparaison de la feuille de papier qu’on découpe (voir p. 157), — on ne voit pas pourquoi le rapport constaté entre divers morceaux A, B, C, D, etc., n’est pas distinct de celui qui existe entre le recto et le verso d’un même morceau, soit A/A', B/B', etc.

Pour répondre à cette question, constatons d’abord que même en dehors de la langue, toutes les valeurs semblent régies par ce principe paradoxal. Elles sont toujours constituées :

1° par une chose dissemblable susceptible d’être échangée contre celle dont la valeur est à déterminer ;

2° par des choses similaires qu’on peut comparer avec celle dont la valeur est en cause.

Ces deux facteurs sont nécessaires pour l’existence d’une valeur. Ainsi pour déterminer ce que vaut une pièce de