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Chapitre II

Les entités concrètes de la langue

§ 1.

Entités et unités. Définitions.

Les signes dont la langue est composée ne sont pas des abstractions, mais des objets réels (voir p. 32) ; ce sont eux et leurs rapports que la linguistique étudie ; on peut les appeler les entités concrètes de cette science.

Rappelons d’abord deux principes qui dominent toute la question :

1° L’entité linguistique n’existe que par l’association du signifiant et du signifié (voir p. 99) ; dès qu’on ne retient qu’un de ces éléments, elle s’évanouit ; au lieu d’un objet concret, on n’a plus devant soi qu’une pure abstraction. À tout moment on risque de ne saisir qu’une partie de l’entité en croyant l’embrasser dans sa totalité ; c’est ce qui arriverait par exemple, si l’on divisait la chaîne parlée en syllabes ; la syllabe n’a de valeur qu’en phonologie. Une suite de sons n’est linguistique que si elle est le support d’une idée ; prise en elle-même elle n’est plus que la matière d’une étude physiologique.

Il en est de même du signifié, dès qu’on le sépare de son signifiant. Des concepts tels que « maison », « blanc », « voir », etc., considérés en eux-mêmes, appartiennent à la phsychologie ; ils ne deviennent entités linguistiques que par association avec des images acoustiques ; dans la langue, un concept est une qualité de la substance pho-