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Cet homme est un vilain ! dites qu’il est frugal ;
Un fat ! qu’il cherche à plaire. Un grossier, un brutal,
Poussant la liberté jusqu’à l’impertinence !
Qu’il a de la franchise et de l’indépendance.
Un caractère ardent, irascible, emporté !
Qu’il est franc, et qu’il a de la vivacité.
Telle est, à mon avis, la bienveillance aimable
Qui, captivant les cœurs, rend l’amitié durable.
Mais sur la vertu même, objet de nos mépris,
Nous aimons à jeter un malin coloris.
Le délicat est sot ; le réfléchi, stupide.
Cet autre prudemment, en ce siècle perfide
Où la fraude et l’envie assiègent l’équité,
Craint de prêter le flanc à la malignité :
Au lieu de voir en lui la raison, la sagesse,
Nous n’y voulons trouver qu’artifice et finesse.
Qu’un ami, cher Mécène, un peu trop brusquement,
Comme il m’est avec vous arrivé fréquemment,
Lorsque pour méditer cherchant la solitude,
Nous voulons un instant nous livrer à l’étude,
S’en vienne nous troubler d’un discours importun ;
Cet homme, disons-nous, n’a pas le sens commun.
Ah ! que dans ce moment d’une injuste colère,
Nous portons contre nous un jugement sévère !
Car enfin vers le mal chacun a son penchant,
Et le plus vertueux n’est que le moins méchant.
Pour moi, j’exigerai d’un homme sans caprices,
Qu’il pèse également mes vertus et mes vices ;
Et que, s’il trouve en moi, moins de mal que de bien,
Pour prix de mon amour, il m’accorde le sien.