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Mais je n’ai point perdu la raison plus que vous,
Et les hommes d’ailleurs la perdent presque tous.
Cest de Stertinius, l’élève de Chrysippe,
Que j’ai, pour mon bonheur, appris ce grand principe,
Un jour que, relevant mon courage abattu,
De la barbe stoïque il me dit la vertu.
Triste et désespéré, j’allais, brisant mes chaînes,
Chercher au fond du Tibre un remède à mes peines,
Quand, tel qu’un dieu propice à ma droite placé :
— Ah ! repousse, dit-il, un dessein insensé,
Et d’une sotte honte osant te rendre maître,
Dans un monde de fous, crains moins de le paraître.
Car enfin, raisonnons sur ce point important :
Par ce nom d’insensé qu’est-ce que l’on entend ?
Réponds : si tu l’es seul, je pars, te voilà libre,
Et tu peux bravement te jeter dans le Tibre.
Quiconque par l’erreur ou par le préjugé
Demeure aveuglément dans le vice engagé,
Au dire du portique, à la cervelle folle,
Et soit peuple, soit roi, dans ce monde frivole,
Chacun, hormis le sage, en tient également.
Viens donc et reconnais avec moi hardiment
Qu’en dépit de l’orgueil d’un injuste anathême,
Ceux qui l’appellent fou, le sont comme toi-même.
Regarde dans un bois ces voyageurs errans
Prendre et suivre au hazard des sentiers différens,
Et marchant sur les pas de guides téméraires,
S’égarer à la fois par des routes contraires.
Ainsi chaque mortel se trompe à sa façon,
Et tel à son voisin veut faire la leçon,