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ACTE QUATRIÈME.

CORDELIA, vivement.

Mastino !… pas un mot de cet homme qui est là… à personne au monde !… vous m’entendez !… mais à Uberta moins qu’à tout autre !…

MASTINO.

Il sera fait à vos souhaits, Madame !… D’ailleurs il ne tiendra qu’à notre blessé de quitter le palais à son réveil…

CORDELIA.

Ce matin ?… Il le pourra ?…

MASTINO.

Sans péril !

CORDELIA.

Le ciel en soit loué !… Je ne vivrai que lui parti ! — Ce soin de le dérober à Uberta, de veiller sur cette porte, cette contrainte éternelle m’épuise !… et j’en suis à ma troisième nuit sans sommeil !…

MASTINO.

À votre tour, Madame, prenez quelque repos…

CORDELIA.

J’aurai le temps de me reposer au couvent de la Madone de Pise, où je compte offrir à Dieu ce qu’il me reste de cette misérable vie… quand je saurai si je dois y pleurer mes frères morts ou vivants !

MASTINO.

Dieu vous reçoive dans ce séjour de paix… Mais vous ne sortirez pas facilement de la ville !… Les portes sont fermées avec soin, car l’Empereur est campé dans la plaine !… Il y aurait péril aussi à vous hasarder par les rues, où l’on ne rencontre que bandes armées, fouillant les maisons, et poussant devant elles au Campo tous les malheureux qu’elles y découvrent !…

CORDELIA, effrayée.

Et parmi eux peut-être mes frères, et Lodrisio ! — Et pourquoi les mener au Campo ?…