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le purgatoire

qu’il accorde à une Française entre tant de Françaises.

Comme nous n’avons pas de cartes sur nous, le capitaine V*** déchire une feuille de carnet, y inscrit son nom, le nom du lieutenant T***, le mien, et ajoute ce seul mot tracé d’une main ferme : « Merci ». Le feldwebel s’engage à la remettre à Madame C***. Et il continuerait de causer, s’il n’était pas interrompu par Fritz, qui me tend un journal que je lui ai demandé, la Metzer Zeitùng (Journal de Metz).

Pour la première fois depuis la guerre, j’ai une feuille allemande entre les mains. Je suis anxieux de connaître comment se fait le « bourrage des crânes » de l’autre côté du Rhin, et je m’attends à lire des déclamations effarantes et de solides études assez saugrenues. Et d’abord, je constate que la Metzer Zeitùng publie les communiqués français et anglais comme les communiqués allemands. Reste à savoir s’ils sont fidèlement reproduits et si la traduction n’est pas d’une fantaisie nécessaire. Il est vrai qu’à l’heure actuelle la France est en mauvaise posture, du moins aux yeux des Allemands, et l’on peut sans crainte présenter au public ses bulletins de Verdun. Quant au communiqué allemand, il chante victoire, comme juste. Toutefois, je dois reconnaître que, aujourd’hui, dans ce numéro 60 de la gazette messine, l’état-major prussien n’exagère pas l’importance de ses derniers succès et ne dissimule pas que la partie est dure. À la date du 10 mars, il rend compte précisément de l’affaire d’où nous sommes sortis vaincus et prisonniers, et il dit simplement :

« Der Albain-Wald ùnd der Bergrücken westlich