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l’usine de pierrepont

partir. Notre bagage est mince, et il ne nous faudra pas des heures pour endosser nos manteaux.

Le feldwebel est revenu. Avec toutes sortes de précautions, il tire de sa poche droite ma petite gourde, qui est pleine de cognac, et de sa poche gauche un sac de papier. Ce sont des gâteaux, et il m’en explique la provenance en allemand. Mais il parle si bas et si vite que je ne comprends à peu près rien à ses confidences. J’entends seulement cette phrase : « Comme ça, vous verrez qu’il y a de braves gens en Allemagne. » Est-ce que par hasard le feldwebel voudrait me faire un cadeau ? Je fais celui qui a compris, et, tout en répétant des « ja, ja » d’homme qui entend bien, je lui donne deux marks, et je m’éloigne avec mes gâteaux. Puisqu’il a accepté mon pourboire, le feldwebel ne voulait pas me faire un cadeau. Et mon esprit se perd dans cette histoire obscure.

J’ouvre le sac : ce sont des gaufrettes de ménage, et, stupeur ! en belle place, il y a un bristol. Une carte de visite, avec ce nom : « Madame Georges C*** ». J’ai compris. Je montre ma trouvaille au capitaine V***. Mais nous désirons d’autres renseignements.

Le feldwebel appelé nous les donne sans se faire prier. C’est une Française qui, par l’entremise du sous-officier allemand, envoie cette friandise et cette carte de sympathie à des officiers français prisonniers. Le feldwebelnous fait l’éloge de Madame Georges C***. Elle est très charitable, dit-il, elle est bonne pour tout le monde, elle soulage toutes les misères qu’elle peut soulager.

Une grande pitié nous prend. Le feldwebel ne se doute pas du prix qu’ont pour nous les louanges