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le purgatoire

— Si nous ne prenons pas Verdun, dit-il, nous ne pourrons pas nous montrer exigeants au moment de la paix.

À l’heure que sa patrie traverse une crise redoutable, est-il rien de plus réconfortant pour un prisonnier que d’assister à la faillite des espérances du vainqueur et au commencement des déceptions démoralisantes ?

Nous écoutions passionnément ces propos du capitaine, lorsqu’un nouvel officier entra dans la chambre. Après l’échec de l’autre, venait-il officiellement celui-ci ?

Il est grand, de belle prestance sous l’uniforme gris, et même il ne manque pas d’une certaine élégance. Il parle bien le français, il porte sous le bras gauche une liasse de dossiers, et il a ôté sa casquette en entrant chez nous. Après quelques paroles de politesse, il nous montre une feuille de papier écolier où sont inscrits déjà quelques noms d’officiers, et il nous demande de nous inscrire à notre tour. Nous consultons la liste : nous n’y voyons personne que nous connaissions, et nous remarquons seulement le nom de quelques officiers d’un régiment de notre division. Cette petite cérémonie terminée, nous nous préparons à une attaque en règle. En effet, elle a lieu, mais avec tant de tergiversations que nous n’aurons pas de peine à garder le dessus.

Cet officier est un mauvais diplomate. Il nous dit :

— Regardez.

Et il déplie devant nos yeux un grand tableau imprimé indiquant la composition de tous nos corps