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s’exprime d’ailleurs pas en un français trop incorrect.

Comme tous ceux que nous avons vus jusqu’ici, cet Allemand commence par nous parler de lui-même. Viendront ensuite les questions qu’il brûle de nous poser. C’est un procédé d’une habileté assez pesante ; mais, à force d’entendre toujours les mêmes questions et les mêmes affirmations sur la guerre, la France et l’Angleterre, je me persuade que ces Boches récitent une leçon apprise.

Ainsi pour cet homme. Il veut être trop aimable. Il nous raconte qu’il a fait campagne en Russie et dans les Balkans. Il parle doucement, doucereusement même, et il nous sert des phrases effarantes sans avoir l’air d’y toucher. Il ne pérore pas depuis cinq minutes, que déjà il nous pousse sa charge contre l’Angleterre. D’abord, les Russes n’existent pas. Ce sont des soldats pour la forme. En fait, ils ne sont pas dangereux, et notre sentinelle en rit avec complaisance. Les Français ne leur ressemblent point. Voilà de bons soldats. Eux seuls ont opposé à l’Allemagne une résistance sérieuse. Eux seuls empêchent l’Allemagne d’arriver plus vite à la victoire. La France sera vaincue, mais l’Allemagne estime la France comme elle le mérite. Si seulement la France comprenait mieux son intérêt ! Mais elle s’est jetée dans les bras de l’Angleterre ; l’Angleterre la mène par le bout du nez, elle la saigne à blanc sur les champs de bataille, elle la ruinera d’hommes et d’argent, et plus tard elle la mettra purement et simplement au nombre de ses colonies. Cette Angleterre est haïssable. C’est pourquoi notre homme la hait, et son sentiment est bien naturel,