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prisonnier

Au dernier moment, il nous dit :

— Est-ce que vos ordonnances sont dans les prisonniers ?

— Oui, deux sont ici. Est-ce que nous pouvons les garder ?

— Oui, oui, bien sûr. Les ordonnances ne quittent pas leurs officiers, c’est l’habitude en Allemagne.

Et nous partîmes.

La neige était épaisse et molle, la pente assez raide. Le capitaine boitait bas, sa blessure à la cuisse le gênait. L’un derrière l’autre, nous suivions le leùtnant. Sur la crête, à la corne du Bois-Chauffour, il nous dit encore :

— L’endroit est dangereux. Votre artillerie tape beaucoup par ici. Il faudrait courir. Est-ce que vous pourrez ?

En effet, notre artillerie tape beaucoup par ici. Les explosions se succèdent formidables et drues. Nous rencontrons des cadavres nombreux. Des équipements traînent dans la neige, des fusils, des paniers à munitions, des marmites de campement, des toiles de tente, des casques. Nous traversons un important réseau de fil de fer : ouvrage allemand ? ou, plutôt, vieille défense française ? Les obus n’éclatent pas loin de nous. Le jeune leùtnant se montre assez crâne. Nous dépassons des blessés qui s’en vont seuls vers l’arrière, ou que des prisonniers français soutiennent ou transportent.

Pour renforcer un groupe de brancardiers las, le leùtnant prend un de nos chasseurs.

Nous essayons de protester :

— Vous nous avez dit que les ordonnances…