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prisonnier

— Très curieux, fis-je.

— Bien plus ! continua le capitaine. Nous avons causé. Il est très correct. Apprenant que j’étais marié, le leùtnant m’a demandé l’adresse de ma femme. Il m’a promis de lui écrire, par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, pour lui donner de mes nouvelles, dès ce soir, s’il n’est pas tué lui-même, car je vous assure qu’il ne fait pas bon dans notre tranchée, maintenant que notre artillerie l’arrose.

Nous fûmes d’accord pour trouver de l’élégance au geste de cet officier allemand.

Mais je m’empresse d’ajouter que madame V*** n’a jamais reçu la lettre promise. Le leùtnant fut-il en effet tué avant d’avoir pu tenir sa parole ? Peut-être. Sa lettre s’est-elle perdue en route ? Peut-être. Toutefois, la complaisance de l’officier en question n’était peut-être que de commande. C’est une chose que j’ai souvent observée par la suite : afin d’édifier et tromper en même temps les prisonniers, militaires ou civils, les Allemands employaient tous les moyens pour paraître aimables, pour montrer qu’ils étaient incompris ou calomniés. Ils voulaient prouver qu’ils ne sont pas des barbares. Aussi ne disaient-ils jamais non. Ils acquiesçaient à toutes les demandes. Ils allaient même quelquefois au-devant de nos désirs, comme c’est ici le cas. Mais nous n’obtenions jamais en réalité ce qu’ils nous avaient accordé si facilement d’avance en paroles. Faiblesse de caractère, ou raffinement de cruauté ? Étrange attitude, qui déconcerte d’abord et dont on finit par n’être plus dupe.

Le capitaine poursuivait :

— J’ai subi notre tir de barrage. Ils ont pris quelque