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l’hôpital d’offenburg

chose. Il m’apprit que le Danube sort d’un petit ruisseau clair que nous suivions, et qui s’appelle le Begg. La science du médecin me laissait indifférent.

À Donaùeschingen, on changeait de train. En attendant l’express d’Offenburg, je me promenai sur le quai. Les gens me regardaient d’un air curieux, mais sans plus d’hostilité manifeste qu’au mois de mars dernier. L’échec de Verdun, puis la défaite sur la Somme, leur avaient mis du plomb dans l’aile. Des soldats, permissionnaires ou convalescents, me croisaient, me regardaient aussi, et ne disaient rien. Quelques-uns me saluèrent. Le doktor Rueck me souligna cette déférence.

— Chez vous, dit-il, la foule injurie nos officiers quand ils passent.

— Non sans raison, répondis-je. L’Allemagne a attaqué la France. Malgré les déclarations de vos journaux, vous ne l’ignorez pas, monsieur, puisque vous appartenez à l’élite qui pense. Il est donc naturel que les agresseurs ne soient pas l’objet d’ovations enthousiastes, avouez-le.

Le médecin juif n’avoua rien. Il préféra fuir ce genre de discussion en achetant, à la marchande du quai, la Frankfùrter Zeitùng, plus, à mon intention, le Simplicissimus. Il m’en exhiba la première page avec un geste qui signifiait :

— C’est tapé, ça, hein ?

Le dessin illustrait cette idée cruelle que l’Angleterre — Dieu la punisse ! — se servait de la France comme d’un bouclier. On y voyait un soldat français couvert de blessures, sur un cheval de bois, au milieu d’un réseau de fils de fer. Et un soldat anglais au