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le purgatoire

quand l’homme acheté était de faction. Procédé très simple, dont l’efficacité ne dura point. En effet, après chaque évasion, la Kommandantur augmentait le nombre des sentinelles, et bientôt elles furent si rapprochées les unes des autres qu’il fallait la complicité de trois d’entre elles pour passer : la corruption devenait pour ainsi dire chimérique.

En outre, j’ai observé que de nombreux camarades, qui comptaient sur les factionnaires, étaient presque toujours repris au milieu même du réseau. Et je me demande si les Boches, au dernier moment, ne se ressaisissaient pas : ils avaient reçu déjà un peu de pain, quelques boîtes de conserves, ils n’espéraient peut-être plus rien du prisonnier qui s’évadait, et ils avaient à gagner en prévenant la Kommandantur.

Le mieux était de sortir de toute autre façon. Un matin, alors qu’un brouillard très épais couvrait tout le camp, un capitaine résolut de tenter froidement la chance. Entre deux guérites, il coupa les fils de fer avec une cisaille. Personne ne le voyait, il ne voyait personne et il n’entendait rien. Patatras ! Le dernier fil coupé, il se trouva nez à nez avec un Boche qui faillit lui marcher dessus. Le scandale fut moins grand que vous ne présumez. Le capitaine aurait dû être traduit en conseil de guerre, à cause du bris de clôture dont il s’était rendu coupable. Mais la Kommandantur ne lui infligea que quatorze jours d’arrêts de rigueur, parce que la cisaille avait été vendue par la kantine.

Les déguisements avaient des adeptes. On racontait des histoires merveilleuses propres à susciter des imitations. Les anciens nous disaient qu’à Mayence, un lieutenant français était sorti de la citadelle par le