Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
le purgatoire

l’Allemagne, sont tombés épuisés à quelques pas de la frontière suisse !

L’échec ne décourageait pas. En l’espace de deux mois, un lieutenant a tenté trois évasions. En quatre ans, le capitaine Derache, des chasseurs, ne s’est jamais résigné au sort des captifs, et c’est au douzième essai qu’il a réussi. On rapportait de lui une évasion sublime. Il était prisonnier dans un camp des bords de l’Elbe. Les environs étudiés, il se prépara. Seul, sans aide et sans confident, il creusa une galerie que nul ne soupçonna. Il l’étayait de caisses démolies et de boîtes de conserves vides. Il se débarrassait de la terre avec des ruses compliquées. Cette galerie le mena jusqu’à un égout. Le capitaine Derache s’équipa et partit. Longtemps, il marcha dans les immondices. Il apercevait une clarté au bout de l’affreux chemin. Hélas ! tout s’écroula. Comme dans la scène des Misérables, une grille fermait la sortie de l’égout. De l’autre côté, c’était le jour, l’Elbe et la liberté. Mais la grille, scellée au mur, en haut, à droite et à gauche, barrait la route. Que faire ? Le capitaine secouait la grille maudite. Elle tenait bon. Soudain il sentit que par le bas elle n’était pas scellée. Sans hésiter, il s’enfonça dans les ordures, plongea, se glissa sous la grille, piqua une tête vers l’Elbe, traversa la rivière à la nage, et se redressa. Il était libre. Tant de courage méritait une meilleure récompense. Malheureusement, deux jours plus tard, le capitaine Derache rencontra des gendarmes. Il reçut deux balles au bras, fut repris, et, parce qu’il avait commis un crime immense, on l’enferma dans une forteresse, où, pendant six mois, on le tint au secret.