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la vie quotidienne

mètre du sol. Des ficelles, retenues par des épingles, suivaient les variations de la ligne. Dans une chambre, les gains réalisés au cours de la bataille de la Somme étaient peints de couleurs différentes pour qu’on pût juger des progrès de chaque mois. À côté de ce tableau de victoire, on avait affiché froidement la carte des environs de Vöhrenbach et de la frontière suisse. Elle était trop apparente pour que la Kommandantur s’avisât de la chercher à cette place. Malheureusement, un jour, Sabre de Bois, dit Barzinque, visitant la chambre, s’arrêta devant le point faible. Mais un lieutenant s’empressa de le renseigner :

— C’est le front de la Somme, monsieur. Voyez-vous ? Toute cette partie en jaune, c’est l’avance des Français pendant le mois de juillet. Cette tranche bleue, c’est la portion conquise par les Anglais en août. La zone rouge

— Oui, oui, répondit lentement Barzinque.

Et il s’en alla sans insister.

Lorsque les armées allemandes avaient remporté un succès, nous en étions informés avant l’heure du communiqué. Brusquement, dans le courant de l’après-midi, les cloches de l’église entraient en branle et, durant quelques minutes, elles sonnaient à toute volée. Chaque jour de victoire était jour de Pâques. L’airain s’en donnait comme s’il se reposait depuis des années. Et rien ne nous poignait le cœur comme cette ivresse