Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
le purgatoire

terminé imite, à s’y tromper, la marqueterie. Les objets qu’on traite au tarso sont les mêmes que ceux qu’on sculpte. On en vend qui sont préparés. Mais rien ne vous empêche d’effacer la garniture boche avec du papier de verre et de la remplacer par une décoration de votre goût. Les raffinés vont plus loin, et, dans ces incisions au couteau qui doivent abuser le regard, ils introduisent de l’étain ou du cuivre. L’effet n’est peut-être pas plus heureux, mais l’achèvement de l’œuvre demande plus de temps, et le prisonnier ne souhaite pas autre chose.

Ce ne sont là qu’ouvrages de jeunes filles. D’aucuns, plus ambitieux, construisent eux-mêmes les coffrets avant de les décorer et de les vernir. Ils achètent à la kantine une planche de noyer, ou de poirier, ou de citronnier, ou d’acajou, ou de palissandre, de l’épaisseur et des dimensions qu’il leur plaît, car la kantine fournit tout, et ils exécutent le montage de la boîte dont ils rêvent, en queue d’aronde, comme les meilleurs professionnels. De la boîte au meuble, la distance n’est pas grande. Des officiers ont construit de jolies choses au milieu des laideurs qui les entouraient, et j’ai vu des classeurs ou des étagères qui étaient de véritables objets d’art. Cependant que certains s’usaient les yeux sur des dentelles compliquées, d’autres s’appliquaient à ces sparteries d’aspect rude qu’on nomme du makramé, et quelques-uns, qui ne doutaient de rien, s’exerçaient à relier en toile ou en cuir les livres de la bibliothèque ou de leurs camarades.

Mais tout camp de prisonniers possède des spécialistes auxquels tout le monde pense et dont personne ne parle : ce sont les topographes, qui, parmi les gar-