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le purgatoire

redoutait une explosion. L’affichage du nouveau règlement excitait un enthousiasme délicieux. Le papier, rédigé en français, s’il vous plaît, disait gentiment :

« Vous mangerez sur vos chambres. Le réfectoire ne servira que comme passage pour la kantine. Les billards seront supprimés, tandis que le piano restera à votre disposition. La vente à la kantine de friandises, comme par exemple de sardines et autres objets de luxe (sic), sera supprimée ; les confitures seront vendues comme jusqu’ici. »

Pouvions-nous pleurer devant des textes pareils ? La kommandantur ne comprenait pas notre hilarité.

Pour que les représailles de Vöhrenbach eussent plus de poids sur le gouvernement de Paris, une cinquantaine de « personnalités politiques et militaires » allaient grossir notre effectif. Nous attendions le colonel Colignon, que les Boches poursuivaient d’une haine spéciale, et le lieutenant Delcassé, fils du ministre, qu’ils envoyaient dans les camps les plus durs.

En revanche, les Russes et les Anglais nous quittaient. Ils demandèrent à partager nos peines et à rester parmi nous : beau geste, qui en dit plus long que toutes les phrases sur la fraternité des alliés. Mais ils partirent, le 18 avril, dans la matinée : Berlin les expédiait ailleurs. Quel émouvant départ ! Ils étaient dans la cour. Nous les entourions. Le vieil oberst Freiherr von Seckendorff nous regardait d’un air peu rassuré. Quatre Anglais avaient l’intention de s’évader, en sautant du train en marche. L’un d’eux ne cachait même pas le pantalon de civil qu’il portait sous son manteau d’aviateur. Quand ils franchirent la grille