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le régime des représailles

dantur nous égayaient. Chaque semaine nous donnait une nouvelle raison de nous réjouir. En effet, le régime du camp ne changea pas du jour au lendemain. Pour agir plus efficacement sur nous, à la manière d’un acide lent, les mesures se succédaient sans hâte. On espérait ainsi nous agacer de plus en plus. Mauvaise psychologie.

Nous étions huit ou dix officiers par chambre. On nous y entassa jusqu’à une vingtaine. Nous fûmes serrés comme des sardines dans une boîte. Mais plus on est de fous, plus on rit. Et nous menions un agréable tapage. On nous avait enlevé les châlits. On nous laissa provisoirement les petits sommiers carrés, qu’on remplacerait plus tard par des paillasses, comme à Saint Angeau. On ne toucha pas d’abord à nos deux couvertures ; mais, bientôt, on nous en retira une, comme à Saint-Angeau. À Saint-Angeau, les officiers allemands n’étaient éclairés que par une lampe à pétrole. Nous, nous avions deux lampes électriques ; on nous supprima une ampoule. On nous supprima les petites armoires militaires où nous rangions nos vêtements, et l’on posa des planches à bagages le long des murs, comme à Saint-Angeau. Vous pensez bien que tous ces déménagements ne s’effectuèrent pas dans un silence passif. Une chanson circulait déjà à travers le camp, et, quand une porte s’entrebâillait, on entendait ce refrain narquois, imité de l’À Ménilmontant d’Aristide Bruant :

Comme à Saint-Angeau !
Comme à Saint-Angeau !

La kommandantur s’inquiétait de cet état d’esprit. À chaque brimade qu’elle ordonnait, on sentait qu’elle