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le régime des représailles

Je crois qu’il n’y a pas un seul officier français prisonnier qui n’ait connu le régime des représailles. Les uns après les autres, tous les camps d’Allemagne l’ont pratiqué. Seulement, le régime n’était pas le même partout. L’Allemagne dosait les représailles. Elle en jouait comme de son artillerie aux calibres divers. Il y eut des camps terribles, en Pologne par exemple, où des officiers, sans distinction de grade, d’âge ou de santé, furent livrés à eux-mêmes au milieu des bois et des marécages ; où ils devaient tout faire sans aucun secours ; où ils devaient se construire un refuge contre les intempéries ; où ils ne recevaient plus de nouvelles de France ; où ils étaient séparés du reste des vivants. Le camp de Vöhrenbach fut moins affreux. Les seules tortures qu’on nous y infligea étaient d’ordre moral. Désunis, nous aurions pu sombrer dans le découragement. Mais nous nous tenions par la main, je l’ai déjà dit, et toutes les mesures que l’on prit contre nous ne nous tirèrent que des éclats de rire et des chansons. C’est une réponse que les Allemands n’attendaient pas, et elle les exaspérait, parce qu’ils ne la comprenaient point.

Le 14 avril 1916, vers huit heures du soir, le chef de bataillon L*** réunit les officiers du premier étage dans la salle de gymnastique, et leur communiqua les ordres de la kommandantur. Les officiers allemands du camp de Saint-Angeau s’étaient plaints de n’avoir pas trouvé en France les marques de déférence et de sympathie qu’ils préjugeaient mériter. En conséquence, le gouvernement de Berlin décidait que le camp de Vöhrenbach serait brimé jusqu’au jour où les officiers allemands daigneraient reconnaître que le camp de