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le purgatoire

s’entendaient de loin. Les sentinelles le détestaient. Il était leur bête noire. Souvent, il les réveillait, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, par un exercice d’alerte. Le premier homme qu’il prévenait, hurlait :

Posten !

Ce qui est l’équivalent de notre appel aux armes. Les autres sentinelles répétaient le mot d’appel de proche en proche. Le poste de police sortait de sa baraque et lançait immédiatement des patrouilles dans toutes les directions. Et j’ai remarqué, à plusieurs reprises, que les alertes provoquées par le vieil oberst tatillon excitaient l’ardeur du poste plus qu’une évasion réelle. L’oberst était d’ailleurs imité dans ses craintes par tous ses officiers et par deux feldwebels : Balai Hygiénique et Makoko.

Le Balai Hygiénique tirait son nom de la forme de sa barbe, qui singeait les raides plumeaux dont on ne se sert pas pour épousseter les meubles d’un Salon. Ce sinistre individu n’avait aucun rapport avec les prisonniers proprement dits. Fonctionnaire adjudant, il ne s’occupait que de la discipline de nos ordonnances et des consignes des hommes de garde. Les uns et les autres lui durent d’innombrables punitions. Il nous haïssait à tous crins. Sa voix tremblait quand il parlait de nous. Je donnerai la mesure de ses sentiments en transcrivant ici une phrase, qu’il prononça un jour devant le chef cuisinier et que plusieurs officiers entendirent. Il disait :

— Ils se plaignent de la nourriture ? Si j’étais le commandant du camp, il y a beau temps que je les aurais tous empoisonnés.