Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
autres têtes de boches

de l’officier, qu’il finissait par ne plus distinguer entre un officier allemand et un officier français. On en profitait. Avec de la patience et de la ruse, on arrivait à les démuseler. Certains prisonniers ont réussi à s’évader grâce à la connivence d’une sentinelle : ils lui donnaient une cinquantaine de marks, une miche de pain, deux boîtes de bœuf salé, et promettaient de lui envoyer, s’ils franchissaient la frontière, une somme convenue. La sentinelle acceptait le marché, et elle ne redoutait pas que l’officier ne tînt pas sa promesse. Si extraordinaires qu’ils paraissent, ces prodiges furent réalisés ; néanmoins, je m’empresse de l’ajouter, assez rarement.

Les hommes de garde, dont la kommandantur n’avait pas tort de suspecter le zèle, étaient surveillés de près. Parmi eux se trouvaient des soldats, généralement plus jeunes, agents de police déguisés, qui les épiaient tout en nous espionnant nous-mêmes. On les rencontrait partout, et leur activité rendait difficiles ces tentatives de corruption qui n’échouaient guère dès qu’elles étaient entamées. Les prisonniers ne couraient que le risque d’un certain nombre de jours d’arrêts de rigueur, les sentinelles jouaient leur séjour à Vöhrenbach ou leur départ pour le front. On comprendra leur réserve habituelle, d’où ne les tirait qu’une circonstance fortuite et saisie au vol.

Freiherr von Seckendorff, « commandeur de ce camp », n’avait sans doute pas d’illusions sur la solidité de son service de garde. Il poursuivait les sentinelles de criailleries continuelles.

À chaque instant, on le voyait, arrêté devant une guérite. Il brandissait sa canne, et les éclats de sa colère