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mais aussi, comme devait s’exprimer le Bœdecket, cette région était plus pittoresque. Enfin, satisfaits ou non, la volonté allemande nous envoyait à Vöhrenbach.

Un leùtnant nous attendait à la gare. Derrière lui, une marmaille considérable se préparait à nous recevoir comme des curiosités. Que d’enfants ! Jamais je n’en vis tant en si petite bourgade. Mais la stupeur ne m’empêcha pas de supputer que, dans quinze ans, l’Allemagne lèverait sans peine contre nous deux fois plus de soldats qu’elle n’en avait levés en 1914. Ces gamins grouillaient dans la cour de la gare comme des fourmis dans une fourmilière. Ils nous examinaient en silence. Ils s’approchaient de nous, et ils nous emboîtèrent le pas dans la grand’rue de Vöhrenbach que nous devions traverser de part en part, le camp étant situé à l’autre extrémité de la commune. Tout ce que je remarquai, c’est que le village n’offrait absolument aucun caractère particulier. Au coin d’une rue, un civil braquait vers nous un appareil photographique. Brusquement toutes les têtes se tournèrent à droite et tous les coudes gauches se levèrent devant les figures. L’amateur de souvenirs renonça à prendre un cliché aussi décevant.

Au bout de la grand’rue, quand nous y fûmes, nous vîmes enfin au loin un bâtiment de dimensions respectables, qui avait l’air d’un hôtel ou d’une mairie. Le soleil en éclairait la façade toute blanche. Une double enceinte de solides poteaux de bois, reliés entre eux par des réseaux de fils de fer barbelés, entourait la prison. La route longeait la clôture. Au premier poteau, une inscription interdisait aux civils