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le camp de mayence

beaucoup d’alcool à brûler. Ils le boivent, paraît-il, parfumé quelquefois, comme ils boivent de l’eau de Cologne ; mais ils le boivent aussi au naturel, sans grimace. Ils sont très gentils, m’affirme-t-on, et sympathiques, mais terriblement ivrognes. Pour s’enivrer avec du Brennspiritus, il faut en effet avoir un penchant assez vif pour les liquides puissants. Mon camarade ajoute que les Anglais ne le cèdent pas aux Russes sur ce point, mais avec cette différence qu’ils sont trop grands seigneurs pour se contenter d’alcool à brûler ou d’eau de Cologne : par l’entremise de soldats boches qu’ils soudoient au tarif fort, ils arrivent à se procurer des liqueurs moins barbares que celles dont les Russes s’accommodent.

Les Anglais se distinguent dans les camps de prisonniers par leur désir d’ignorer les Boches et leurs prescriptions. Ils consentent à être prisonniers parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, mais leur bonne volonté ne va pas plus loin. Ils se montrent aimables pour les Français et les Russes, mais ils vivent entre eux. Les prisonniers doivent prendre leur repas au réfectoire commun ; les Anglais n’y mettent pas les pieds. Ils mangent dans leurs chambres et préparent leurs repas sur des fourneaux à charbon, achetés à la kantine, qu’ils ont simplement installés dans les couloirs de la citadelle. Une odeur de cuisine traîne partout, et il n’est pas d’instant de la journée où quelque bouilloire ou casserole ne chante sur le feu des Anglais. Les murs en sont noircis de fumée. Mais nos Alliés, flegmatiques par définition, ne prennent pas garde à ces détails. Ils n’écoutent pas les cris des Boches. Causent-ils des dégâts ? Ils paient sans discuter. Un