Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
le purgatoire

souliers, pantoufles, etc… Tous ces articles sont des articles de bazar d’une qualité très suspecte, et nous les payons très cher, persuadés que le Belge, ne se contentant pas du pourboire que nous lui laissons pour chaque course, prélève sa petite commission sur chaque objet qu’il nous rapporte. Des étonnements nous arrivent à la suite de chacun de ses voyages. Hier, à l’examen de nos sacs, on nous avait retiré un jeu de cartes françaises qui servait à l’éternelle manille de quatre officiers. Mais la kantine vend des cartes allemandes. On nous avait confisqué nos couteaux de poche et jusqu’à nos canifs, sous prétexte que c’étaient des armes et donc du butin de guerre. Mais la kantine vend des couteaux qui sont des armes plus sérieuses que nos canifs. Il n’y a rien là qui doive nous émerveiller : l’Allemagne est une nation de commerce, et tous les moyens lui sont bons pour trouver des clients. L’ordonnance belge sourit de nos réflexions. Il en sait plus long que nous sur les manigances des camps de prisonniers.

Curieux personnage. Grand, souple, figure émaciée avec des yeux vifs, vêtu de la tenue des soldats prisonniers, c’est-à-dire de n’importe quoi pourvu que le pantalon et les manches de la veste portent une bande tracée à la peinture rouge, coiffé du bonnet de police noir et bleu qu’orne un gland qui se balance, le Belge est un type d’arsouille qui plaît et déplaît en même temps. Il parle aux Allemands avec un sans-gêne incroyable, il rudoie ce hurleur de Latrinen, lui obéit quand ça lui plaît, discute tous ses ordres et crie plus fort que lui, ce qui n’est pas peu dire. Et ce côté de son caractère, cette attitude de boxeur toujours en