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le purgatoire

un brouhaha de voix retentirent dans le corridor. Six nouveaux venaient d’arriver par le train de midi. On les enferma dans une chambre spéciale. Il ne fallait pas qu’ils pussent communiquer avec nous. Songez qu’ils nous auraient peut-être donné du front des nouvelles plus fraîches que celles que nous avions, et rassurantes peut-être. Il fallait éviter ce scandale. Mais l’arrivée des six camarades pestiférés bouleversa l’ordre de notre repos. En effet, comment expliquer cela ? Était-ce le changement de régime, ou la qualité de la cuisine, ou ce pain plutôt, si peu catholique, toujours est-il que la plupart d’entre nous étaient indisposés, et assez gravement même. Jusque-là, il nous suffisait de frapper à la porte. La sentinelle, qui était de faction dans le corridor, ouvrait et nous conduisait où nous désirions aller. Quand nos nouveaux compagnons d’infortune furent arrivés, nous dûmes nous plier à un autre règlement. Nous ne pouvions plus sortir de la chambre à notre gré. De temps en temps, le soldat à casquette chargé de notre service déverrouillait la porte, l’ouvrait toute grande, et glapissait d’un ton suraigu :

Latrinen ! Latrinen !

Il n’y avait qu’à obéir. Et cela nous procura une occasion de plus d’admirer cette belle organisation et cette stricte discipline allemandes, qui réalisent le tour de force d’amener la nature même à exécuter leurs ordres au premier commandement. Au surplus, l’homme qui hurle y gagna un surnom, et nous ne l’appelâmes plus que Latrinen. Un prisonnier s’amuse de peu.

L’ordonnance belge nous avait appris qu’on nous