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la quarantaine

intentions que l’Enfer lui-même ; et la France lâchera ses armes, ses soldats se rendront, ses civils pousseront les soldats à se rendre, et la guerre et la paix seront à la merci de l’Allemagne.

Jugera-t-on que j’exagère et que je cherche des complications, alors que ce n’est que la simple humanité qui invite le censeur du camp de Mayence à expédier tout de suite notre première carte postale ? Je n’exagère pas. Je connais les Allemands, et vous ne les connaissez pas, ou vous les connaissez mal. Ils sont méchants et sournois, tous, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, et le paysan saxon ne vaut pas mieux que le colonel poméranien. Ce que je pense, je ne suis pas seul à le penser. Mais je le dis, parce qu’il faut que tout le monde le sache, aujourd’hui, et demain, et toujours. Ad prœdam natos Germanos, constatait l’historien latin. L’Allemagne a été, est, et sera une nation de proie. Rien de plus, rien de moins. On ne change pas d’âme comme de chemise. Et c’est une camisole de force qu’il faut mettre à l’Allemagne, si nous voulons à jamais respirer librement.

Quand ils seront rentrés chez eux, tous nos prisonniers seront d’accord pour le proclamer : l’Allemand est cruel tant qu’il se croit sûr du succès et de l’impunité. Il n’est pas de tortures qu’ils n’aient infligées à nos malheureux prisonniers. Les officiers, en général, ont moins souffert physiquement, c’est exact, encore n’est-ce que par crainte de représailles qu’on aurait prises contre leurs chers barons tombés aux mains de la France. Mais il n’est pas une brimade morale qui ait été épargnée à nos lieutenants ou à nos colonels. Et le même procédé se retrouve partout : là, détruire