Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
le purgatoire

nos familles apprendront relativement vite que nous sommes vivants. Herr Schmidt ne manque pas d’observer que cette mesure est d’une bienveillance dont nous devons savoir gré au Gouvernement Impérial et Royal. Mais, comme je ne suis dupe d’aucune des bienveillances boches, je ne manque pas davantage de penser que cela aussi est du programme de la propagande qu’il faut mener en France pour la démoraliser dans le moment où on l’attaque à coups de canons. Il est de l’intérêt de l’Allemagne que de très nombreuses cartes envoyées par les prisonniers des jours derniers répandent, dans la Suisse où elles passeront et dans les provinces françaises, d’une part le bruit que nous avons perdu beaucoup d’hommes et d’autre part cette nouvelle dangereuse que nous sommes bien traités dans les camps allemands. C’est que le Gouvernement Impérial et Royal de Berlin ne néglige rien pour s’assurer la victoire : tout lui est profitable, même le détail le plus infime, et ces assauts contre la santé morale de ses ennemis ne sont pas ceux qui lui coûtent le moins d’efforts ou le moins de soucis. Tout est organisé en Allemagne pour que l’Allemagne triomphe. Les violences du début de la guerre ont échoué. La force n’a pas vaincu la foi des Français. Mais il y a peut-être des moyens autres de la vaincre. On les conjuguera tous. Que la France soit fatiguée de la guerre, qu’elle croie seulement qu’elle n’en tirera rien, pas même une paix honorable après s’être saignée à blanc ; qu’elle croie surtout qu’on l’a trompée sur les desseins allemands, sur l’esprit allemand, sur le cœur allemand, qu’elle croie enfin que l’Allemagne est pavée de plus de bonnes