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affectée : j’ai dit cela, moi, que M. Obernay (voilà son nom qui me revient) avait des vues sur la femme de son ami ? C’est possible !… On a toujours des vues sur la femme de son ami… Je ne savais pas alors qu’il dût épouser la belle-sœur, parole ! Je ne l’ai su qu’hier au matin en faisant causer le domestique de ces dames. Je vous dirai bien que cela ne me paraît pas une raison sans appel… Je suis sceptique, moi, je vous l’ai dit ; mais je ne veux pas vous scandaliser, et je veux bien croire… Mon Dieu, comme vous êtes distrait ! À quoi donc pensez-vous ?

— À rien, et c’est votre faute ! Vous ne dites rien qui vaille. Vous n’avez pas le sens commun, mon cher, avec vos idées de profonde scélératesse. Quel mauvais genre vous avez là ! C’est très-mal porté, surtout quand on est riche et gras.

Si j’avais su combien il était impossible de fâcher Moserwald, je me serais dispensé de ces duretés gratuites, qui le divertissaient beaucoup. Il aimait qu’on s’occupât de lui, même pour le rudoyer ou le railler.

— Oui, oui, vous avez raison ! reprit-il comme transporté de reconnaissance ; vous me dites ce que me disent tous mes amis, et je vous en sais gré. Je suis ridicule, et c’est là le plus triste de mon affaire ! J’ai le spleen, mon cher, et l’incrédulité des autres sur mon compte vient s’ajouter à celle que j’ai envers tout le monde et envers moi-même. Oui, je devrais être heureux, parce que je suis riche et bien portant, parce que je suis gras ! Et cependant je m’ennuie, j’ai