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cependant sans pouvoir l’atteindre. Il se posait sur les rochers les plus élevés, et, les faisant crouler sous son poids, il m’environnait en riant de lavanges de pierres et de glaçons. Toutes les métaphores dont Obernay m’avait régalé prenaient une apparence sensible, et je ne pus reposer qu’après avoir épuisé ces fantaisies étranges.

Quand je me levai, Obernay, qui avait veillé jusqu’à l’aube, s’était recouché pour une heure ou deux. Il avait l’admirable faculté d’interrompre et de reprendre son sommeil comme toute autre occupation soumise à sa volonté. Je m’informai de Moserwald ; il était parti au point du jour.

J’attendis le réveil d’Henri, et, après un frugal déjeuner, nous partîmes ensemble pour une belle promenade qui dura une grande partie de la journée, et durant laquelle il ne fut plus question ni des Valvèdre, ni du juif, ni de moi-même. Nous étions tout à la nature splendide qui nous environnait. J’en jouissais en artiste ébloui qui ne cherche pas encore à se rendre compte de l’effet produit sur son âme par la nouveauté des grands spectacles, et qui, dominé par la sensation, n’a pas le loisir de savourer et de résumer. Familiarisé avec la sublimité des montagnes et occupé de surprendre les mystères de la végétation, Obernay me paraissait moins enivré et plus heureux que moi. Il était sans fièvre et sans cris, tandis que je n’étais que vertige et transports.

Vers trois heures de l’après-midi, comme il parlait