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si paisibles ; mais toute vertu a son excès et son péril. N’en est-ce pas un très-grand que de condamner au célibat et à un éternel combat intérieur deux êtres dont l’union semble être écrite à la plus belle page des lois divines ?

— Juste Valvèdre a vécu très-calme, très-digne, très-forte, très-féconde en bienfaits et en dévouements,… et pourtant elle a aimé sans bonheur et sans espoir.

— Qui donc ?

— Tu ne l’as jamais su ?

— Et je ne le sais pas.

— Elle a aimé le frère de ta mère, l’oncle qui te chérissait, l’ami et le maître de Valvèdre, Antonin Valigny. Malheureusement, il était marié, et Adélaïde a beaucoup réfléchi sur cette histoire.

— Ah ! voilà donc pourquoi Juste m’a pardonné d’avoir tant offensé et affligé Valvèdre ! Mais mon oncle est mort, et la mort ne laisse pas d’agitation. Sois sûr, Henri, qu’Adélaïde souffre plus que Juste. Elle est plus forte que sa souffrance, voilà tout ; mais son bonheur, si elle en a, est l’œuvre de sa volonté, et j’ai cru, moi aussi, pendant sept ans, qu’on pouvait vivre sur son propre fonds de sagesse et de résignation. Aujourd’hui que je vis à deux, je sais bien qu’hier je ne vivais pas !…

Henri m’embrassa et me laissa agir. Ce fut une œuvre de patience, de ruse innocente et d’obstination dévouée. Il me fallut surprendre des quarts de mots et