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donnerai non pas ceux d’un sage, mais ceux d’un ami.

Pendant trois mois, je ne fus occupé que de mon installation industrielle. J’avais tout à créer, tout à diriger ; c’était une besogne énorme. Paul, toujours à mes côtés, toujours enjoué et attentif, s’initiait à tous les détails de la pratique, charmant par sa présence et son enjouement l’exercice terrible de mon activité. Quand je fus au courant, le chef principal de l’entreprise, qui n’était autre que Moserwald, m’assigna une jolie habitation et un traitement plus qu’honorable.

Je revenais à la vie, à l’amitié, à l’épanouissement de l’âme. Chaque jour éclaircissait le sombre nuage qui avait si longtemps pesé sur moi, chaque parole amie y faisait percer un rayon de soleil. J’en vins à songer avec une émotion d’espérance et de terreur au projet d’Henri, que m’avait révélé Valvèdre. Valvèdre lui-même y faisait souvent allusion, et, un jour que, rêveur, je regardais de loin les deux sœurs marcher, radieuses et pures comme deux cygnes, sur les herbes du rivage, il me surprit, me frappa doucement sur l’épaule et me dit en souriant :

— Eh bien, laquelle ?

— Jamais Adélaïde ! lui répondis-je avec une spontanéité qui était devenue l’habitude de mon cœur avec lui, tant il s’était emparé de ma foi, de ma confiance et de mon respect filial.

— Et pourquoi jamais Adélaïde ? Je veux savoir pourquoi ! Allons, Francis, dites !

— Ah ! cela… je ne puis.