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— Eh bien, tu te trompes ; j’ai deux cordes à mon ambition. J’accepte la gloire sans bonheur ou le bonheur sans gloire.

Obernay me railla à son tour de ma prétendue modestie, et, tout en discutant de la sorte, je ne sais plus comment nous vînmes à parler de M. de Valvèdre et de sa femme. J’étais assez curieux de savoir ce qu’il y avait de vrai dans les commérages de Moserwald, et Obernay était précisément disposé à une extrême réserve. Il faisait le plus grand éloge de son ami, et il évitait d’avoir une opinion sur le compte de madame de Valvèdre ; mais, malgré lui, il devenait nerveux et presque irascible en prononçant son nom. Il avait des réticences troublées ; le rouge lui montait au front quand je lui en demandais la cause. Mon esprit fit fausse route. Je m’imaginai qu’en dépit de sa vertu, de sa raison et de sa volonté, il était amoureux de cette femme, et, dans un moment où il s’en défendait le plus, il m’échappa de lui dire ingénument :

— Elle est donc bien séduisante !

— Ah ! s’écria-t-il en frappant du poing sur la boîte de métal qui contenait ses plantes et qui lui avait servi d’oreiller, je vois que les mauvaises pensées de ce juif ont déteint sur toi. Eh bien, puisque tu me pousses à bout, je te dirai la vérité. Je n’estime pas la femme dont tu me parles… À présent, me croiras-tu capable de l’aimer ?

— Eh ! mais… c’est quelquefois une raison de plus ; l’amour est si fantasque !