Page:Sand - Valvèdre.djvu/348

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Deux personnes l’ignoraient à coup sûr, Adélaïde et Rosa. Adélaïde était toujours admirablement belle, et même plus belle encore à vingt-cinq ans qu’à dix-huit ; mais elle n’était plus, sans contestation, la plus belle des Genevoises : Rosa pouvait, sinon l’emporter, du moins tenir la balance en équilibre. Ni l’une ni l’autre n’était mariée ; elles étaient toujours les inséparables d’autrefois, toujours gaies, studieuses, se taquinant et s’adorant.

Au milieu de l’affectueux accueil de tous, je m’inquiétais de celui qui m’attendait de la part de mademoiselle Juste. Je savais qu’elle demeurait à Blanville, et ne m’étonnais pas qu’elle ne vînt pas à ma rencontre. Je demandai de ses nouvelles. Henri me répondit qu’elle était un peu souffrante et qu’il me conduirait la saluer.

Elle me reçut gravement, mais sans antipathie, et, Henri nous ayant laissés seuls, elle me parla du passé sans amertume.

— Nous avons beaucoup souffert, me dit-elle, — et, quand elle disait nous, elle sous-entendait toujours son frère ; — mais nous savons que vous ne vous êtes ni épargné ni étourdi depuis ce temps-là. Nous savons qu’il faut, je ne dis point oublier, cela n’est pas possible, mais pardonner. Une grande force est nécessaire pour accepter le pardon, plus grande que pour l’offrir, je sais cela aussi, moi qui ai de l’orgueil ! Donc, je vous estime beaucoup d’avoir le courage d’être ici. Restez-y. Attendez mon frère. Affrontez le