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service de fait ; tu m’as demandé seulement de t’écrire quelquefois avec amitié, sans te parler du passé. J’ai cru d’abord que c’était encore de l’orgueil, que tu ne voulais même pas d’assistance morale, craignant surtout de vivre sous l’influence indirecte, sous la protection cachée de Valvèdre. À présent, je te rends pleine justice. Tu as et tu auras toujours beaucoup d’orgueil, mais ton caractère s’est élevé à la hauteur de la fierté, et je ne me permettrai plus jamais d’en sourire. Ni moi ni personne ne te traitera plus d’enfant. Sois tranquille, tu as su faire respecter tes malheurs.

— Mon cher Henri, tu exagères ! lui répondis-je. J’ai fait bien strictement mon devoir. J’ai obéi à ma nature, peut-être un peu ingrate, en me dérobant à la pitié. J’ai voulu me punir tout seul et de mes propres mains en m’assujettissant à des études qui m’étaient antipathiques, à des travaux où l’imagination me semblait condamnée à s’éteindre. J’ai été plus heureux que je ne le méritais, car l’acquisition d’un savoir quelconque porte avec elle sa récompense, et, au lieu de s’abrutir dans l’étude où l’on se sent le plus revêche, on s’y assouplit, on s’y transforme, et la passion, qui ne meurt jamais en nous, se porte vers les objets de nos recherches. Je comprends à présent pourquoi certaines personnes — et pourquoi ne nommerais-je pas M. de Valvèdre ? — ont pu ne pas devenir matérialistes en étudiant les secrets de la matière. Et puis je me suis rappelé souvent ce que souvent tu me disais autrefois. Tu me trouvais trop