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Le médecin vint me secourir à mon tour, et je l’aidai de tout l’effort de ma volonté, car je me sentais devenir fou, et je voulais être de force à accomplir jusqu’au bout mon affreuse destinée. Revenu à moi, j’appris qu’Alida était calme, et pouvait vivre encore quelques jours ou quelques heures. Son mari était seul avec elle.

Le médecin se retira, disant que le nouveau venu paraissait en savoir autant que lui pour les soins à donner en pareille circonstance. Bianca écoutait à travers la porte. J’eus un accès d’humeur contre elle, et je la poussai brusquement dehors. Je ne voulais pas me permettre d’entendre ce que Valvèdre disait à sa femme en ce moment suprême ; la curiosité de cette fille, quelque bien intentionnée qu’elle fût, me paraissait être une profanation.

Resté seul avec Moserwald dans le salon qui touchait à la chambre d’Alida, je demeurai morne et comme frappé d’une religieuse terreur. Nous devions nous tenir là, tout prêts à secourir au besoin. Moserwald voulait écouter, comme avait fait Bianca, et je savais qu’on pouvait entendre en approchant de la porte. Je le gardai d’autorité auprès de moi à l’autre bout du salon. La voix de Valvèdre nous arrivait douce et rassurante, mais sans qu’aucune parole distincte en pût confirmer pour nous les inflexions. La sueur me coulait du front, tant j’avais de peine à subir cette inaction, cette incertitude, cette soumission passive en face de la crise suprême.