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qu’Obernay est resté comme une preuve acquise à mon système. J’ai pleinement reconnu par la suite que, si son visage, sans beauté réelle, mais éminemment agréable, avait l’éclat d’une rose, — son âme, sans génie d’initiative, avait le charme profond de l’harmonie, et comme qui dirait un suave et splendide parfum d’honnêteté.

Quand il eut dormi une heure avec la placidité d’un soldat en campagne habitué à mettre le temps à profit, il se sentit tout à fait bien, et nous nous reprîmes à causer. Je lui parlai de Moserwald, ma nouvelle connaissance, et je lui rapportai les plaisanteries de ce grand sceptique sur sa position de consolateur obligé de madame de Valvèdre. Il faillit bondir d’indignation, mais je le contins.

— Après ce que tu m’as dit de ton affection et de ton respect pour le caractère du mari, il est tout à fait inutile de te défendre d’une trahison indigne, et ce serait même me faire injure.

— Oui, oui, répondit-il avec vivacité, je ne doute pas de toi ; mais, si ce juif me tombe sous la main, il fera bien de ne pas me plaisanter sur un pareil sujet !

— Je ne pense pas qu’il pousse jusque-là son débordement d’esprit, quoique, après tout, je ne sache de quoi il n’est pas capable avec sa candeur effrontée. Le connais-tu, ce Moserwald ? N’est-il pas de Genève ?

— Non, il est Allemand ; mais il vient souvent chez nous, je veux dire dans notre ville, et, sans lui avoir jamais parlé, je sais très-bien que c’est un fat.