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La cause ! elle était dans les profondeurs de l’âme. Cette âme-là ne pouvait pas se reposer une heure, un instant. Tout lui était sujet d’appréhension funeste ou d’espérance insensée. Le moindre souffle du vent la faisait tressaillir, et, si je n’étais pas auprès d’elle à ce moment-là, elle croyait avoir entendu mes cris, le suprême appel de mon agonie. Elle haïssait la campagne, elle s’y était toujours déplu. Sous le ciel imposant de l’Afrique, en présence d’une nature peu soumise encore à la civilisation européenne, tout lui semblait sauvage et terrifiant. Le rugissement lointain des lions, qui, à cette époque, se faisait encore entendre autour des lieux habités, la faisait trembler comme une pauvre feuille, et aucune condition de sécurité ne pouvait lui procurer le sommeil. En d’autres moments, sous l’empire d’autres dispositions d’esprit, elle croyait entendre la voix de ses enfants venant la voir, et elle s’élançait ravie, folle, bientôt désespérée en regardant les petits Maures qui jouaient devant sa porte.

Je cite ces exemples d’hallucination entre mille. Voyant qu’elle se déplaisait à ***, je la ramenai à Alger, au risque de n’y pouvoir garder l’incognito. À Alger, elle fut écrasée par le climat. Le printemps, déjà un été dans ces régions chaudes, nous chassa vers la Sicile, où, près de la mer, à mi-côte des montagnes, j’espérais trouver pour elle un air tiède et quelques brises. Elle s’amusa quelques instants de la nouveauté des choses, et bientôt je la vis dépérir encore plus rapidement.