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une île déserte. L’effroi fut mon tourment, l’ennui fut le ver rongeur de ma compagne infortunée. Elle avait fait les démarches nécessaires pour obtenir la dissolution de son mariage. Valvèdre n’y avait pas fait opposition ; mais il était parti pour un long voyage, disait-on, sans présenter sa propre demande au tribunal compétent. Évidemment, il voulait forcer sa femme à réfléchir longtemps avant de se lier à moi, et, son absence pouvant se prolonger indéfiniment, l’épreuve du temps exigé par la législation étrangère menaçait ma passion d’une attente au-dessus de mes forces. Est-ce là ce que voulait cet homme étrange, ce mystérieux philosophe ? Comptait-il sur la chasteté de sa femme au point de lui laisser courir les dangers de mon impatience, ou préférait-il la savoir complétement infidèle, et, par là, préservée de la durée de ma passion ? Évidemment, il me dédaignait fort, et j’étais forcé de le lui pardonner, en reconnaissant qu’il n’avait d’autre préoccupation que celle d’adoucir la mauvaise destinée d’Alida.

Cette pauvre femme, voyant des retards infinis à notre union, vainquit tous ses scrupules et se montra magnanime. Elle m’offrit son amour sans restrictions, et, vaincu par mes transports, je faillis l’accepter ; mais je vis quel sacrifice elle s’imposait et avec quelle terreur elle bravait ce qu’elle croyait être le dernier mot de l’amour. Je savais les fantômes que pouvaient lui créer sa sombre imagination et la pensée de sa déchéance, car elle était fière de n’avoir